mercredi 8 mai 2013

Prologue - le son d'une voix


6 mai 2002 :

Une petite fille de six ans jouait tranquillement dans sa chambre avec ses poupées Barbie, comme toutes les fillettes de son âge. Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade sur ses épaules et ses yeux bleus couleur océan reflétaient la joie de vivre et le bonheur d'être entourée d'une famille qui l'aimait. Sa chambre était à l'effigie des gamines prêtes à entrer en école primaire : tout de rose. Le lit, les murs, le tapis se trouvant en dessous de sa litière et ses jouets. Une vraie petite chambre de princesse, comme elle se désignait chaque jour.
Une Barbie dans la main gauche et le Ken dans la droite, elle faisait comme s'ils étaient vivants et leur inventait une vie.
— Ken, peux-tu aller chercher notre fille dans le bain ? demanda-t-elle de sa petite voix fluette.
« Grandis un peu et joue à un autre jeu. »
La jeune fille ne fit pas attention à cette voix qui sifflait dans ses oreilles depuis bientôt deux ans. Pour elle, ce n'était que son amie imaginaire qui lui donnait des conseils de grande. Mais Victoire ne se considérait pas encore comme telle ! Elle voulait rester petite et ne pas se mêler des histoires de grands. Elle voulait rester dans l'innocence de la jeunesse et avec ses jouets.
« Arrête d'avoir ce genre de pensées idiotes ! Bientôt, tu te rendras compte que j'ai eu raison de te pousser à grandir ! »
— Mais je ne veux pas grandir ! s'énerva-t-elle. Maintenant, laisse-moi tranquille, pars et va embêter quelqu'un d'autre !
« Tu es beaucoup trop faible pour que je te laisse. Lorsque tu seras prête, je le ferai, mais pas avant. »
La fillette ne comprenait strictement rien à ce que lui racontait la voix et elle ne voulait pas non plus essayer de comprendre. Tout ce que la voix avait réussit à faire, c'était l'énerver, une fois de plus. Elle se leva, alla soigneusement ranger ses poupées, prit son doudou posé sur son lit et descendit au salon où ses parents étaient assis sur le divan en train de regarder la télé.
— Je peux venir ? demanda-t-elle en murmurant.
— Bien sûr, ma chérie, répondit sa mère en tapotant le siège près d'elle.
La petite s'avança, sa peluche pelotonnée dans ses bras et partit elle-même dans les bras de sa maman.
— Victoire ? Tu vas bien ? questionna une voix dure à sa droite.
Elle regarda dans sa direction, lui sourit et acquiesça faiblement.
— Tu sais que tu peux tout nous dire ?
— Oui, papa. C'est juste que... qu'elle est revenue... et elle m'empêche de jouer avec mes poupées, dit-elle, les larmes aux yeux, resserrant encore plus son étreinte sur sa peluche adorée.
— Ce n'est qu'une voix, ma puce, elle ne peut pas te faire de mal. Ignore-la et tu verras qu'elle partira d'elle-même. C'est juste ton imagination qui te joue des tours, tenta son père pour lui remonter le moral.
— Oui, tu dois avoir raison, répondit-elle en lui souriant de plus belle.
« Il se trompe, je ne suis pas ton subconscient mais bien une voix qui compte bien te guider et t'éloigner de tout ce qui pourrait te corrompre »
Victoire frissonna à cette dernière phrase et se retourna une nouvelle fois vers ses parents.
— Ça veut dire quoi, corrompre ?
Le silence se fit dans la pièce et les adultes se regardèrent, surpris. Un rire aigu monta dans la tête de la fillette qui poussa un cri, étonnée.
— Je... je vais me coucher, je me sens fatiguée.
Elle n'attendit pas la réponse de ses parents et se dirigea vers sa chambre sans un regard vers eux. Elle s'allongea sur son lit, mit sa tête entre ses bras et pleura doucement.
« Bonne nuit, petite, à demain »
— Non ! Pas à demain ! Je ne veux plus t'entendre ! Pars et ne reviens plus ! s'énerva-t-elle en plaquant ses mains sur ses oreilles.
« Tu peux coller tes mains autant de fois que tu voudras sur tes oreilles, rien n'y changera. Je serai toujours là. »
— Laisse-moi tranquille ! éclata en sanglots la petite fille.
« Dors bien. »
Et la fillette s'endormit.


De nos jours (2012) :

Victoire était assise sur le siège de sa coiffeuse et se brossait doucement les cheveux. Dix ans s'étaient écoulés, et elle n'avait plus aucune nouvelle de cette voix. Sa chambre était devenue une pièce pour adolescente. Des posters affichés sur les murs, des couleurs qui n'avaient plus rien à voir avec ses envies de petite filles, un lit double à baldaquin et des livres remplaçaient ses poupées parties, pour la plupart, au grenier.
Aujourd'hui était son dernier jour de vacances et elle comptait bien en profiter pour passer la journée avec son groupe d'amis. Ils devaient tous se retrouver pour quatorze heures au parc, leur endroit de prédilection. Une journée chaude et ensoleillée était prévue, alors la jeune fille pourrait bronzer.
Arrivée sur place, elle constata avec un sourire qu'elle était la première et regarda sa montre : treize heures quarante-huit. Comme toujours, elle trouvait le moyen d'arriver en avance. Elle partit dénicher un coin paisible où s'installer pour l'après-midi. Sur sa droite, un beau saule pleureur n'attendait qu'elle et sa serviette pour s'allonger. Elle suivit son instinct et partit s'y asseoir.
Ses amis ne tardèrent pas à arriver un par un jusqu'à ce que tout le petit groupe soit enfin au complet.
— Salut, Victoire, l'apostropha un jeune homme.
L'interpellée leva la tête et croisa les beaux yeux émeraudes de l'adolescent se trouvant devant elle. Blond aux pupilles vertes, athlétique, il ne lui fallait que quelques secondes pour faire fondre une fille sans qu'il ne s'en rende compte et sans même qu'il ne le veuille. Pour lui, la seule fille qui comptait à ses yeux était celle à qui il venait de s'adresser. Mais bien sûr, celle-ci ne s'en doutait aucunement. Pour elle, ce n'était qu'un ami d'enfance, son meilleur ami, celui à qui elle confiait tout.
— Lucian, tu vas bien ?
— Comme tous les jours, et toi ?
Elle acquiesça tout en tapotant un coin de sa serviette pour l'inviter à s'installer près d'elle.
— Alors, prête pour cette rentrée ? lui demanda-t-il.
— Oh, ne m'en parle pas ! Je n'ai même pas envie d'y être. En plus, mes parents sont partis pour deux mois en voyage de noces.
— De noces ? Mais ils sont mariés depuis des années !
— C'est bien ça le problème, rigola-t-elle à la tête que faisait son ami, ils ont décidé de réitérer la chose et de partir faire un bon tour du monde.
— Pour ça, ils ont de quoi faire !
Ils explosèrent de rire et se taquinèrent pendant un moment. Chatouilles, batailles d'eau et autres rythmaient leurs journées. Ils s'entendaient si bien que leurs amis étaient persuadés que bientôt, ils formeraient un couple. Mais la jeune fille n'était pas de cet avis. Puis elle était persuadée qu'il ne voulait pas d'elle en petite amie ! Quelle drôle d'idée, ils étaient meilleurs amis ça ne pouvait pas aller plus loin !
L'après-midi passa rapidement et le soleil était toujours aussi présent et éclatant, comme l'avait prévu la météo. En fin de journée, ils se dirent tous au revoir et au lendemain pour la première journée de classe et rentrèrent chez eux, chacun de leur côté. Victoire et Lucian restèrent traîner un petit moment à deux et se lâchèrent une fois l'embranchement de leurs maisons en vue.
Une fois chez elle, elle monta dans sa chambre, déposa son sac, alla prendre une douche et s'allongea sur son lit. Une belle journée venait de se terminer et elle en gardait des étoiles plein les yeux. Lucian avait été, comme d'habitude, parfait et joueur. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne trouvait pas une fille qui pourrait le rendre encore plus heureux qu'il ne l'était déjà.
Après un temps de réflexion, elle se leva certainement un peu trop rapidement car un vertige lui monta à la tête et elle retomba sur son lit. Elle prit celle-ci entre ses mains en se mordant la lèvre pour ne pas crier, espérant que la douleur passe. Mais plus les minutes défilaient, et plus elle s'accentuait. C'en devenait incontrôlable et dur à supporter. Victoire tomba de son lit et se cogna lourdement la tête au sol. Un liquide chaud coula doucement sur sa tempe pour venir s'accumuler à sa bouche. Un goût métallique passa sur ses lèvres et un deuxième vertige, bien plus violent que le précédent, lui fit perdre connaissance.

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